Évidemment, c’est au cours préparatoire que les enfants apprennent à lire. Tout le monde le sait et personne n’en doute. Même les parents s’investissent pleinement dans les devoirs du soir en faisant relire les leçons de la journée à leur enfant. Et ils sont persuadés qu’à l’issue de cette première année de primaire, la lecture sera acquise.
C’est effectivement parfois (ou plutôt rarement) le cas mais la plupart du temps, si l’apprentissage de la lecture se contente uniquement de ce B.A.BA, il y a des chances pour qu’en réalité l’enfant ne devienne jamais lecteur.
Actuellement, les enseignants reçoivent en 6e des cohortes d’élèves dont 90% au moins ne savent pas lire. Peut-être n’êtes-vous pas concernés, dans ce cas, tant mieux pour vous ; mais êtes-vous vraiment certain que votre enfant sait lire ?
Que signifie « savoir lire » ?
En fin de C.P., la majorité des élèves, s’ils ont bénéficié d’un enseignement de qualité et d’un suivi à la maison, maîtrise le déchiffrage ainsi que la compréhension de phrases simples. Cela n’en fait pas pour autant des lecteurs.
Un enfant peut en revanche être considéré comme lecteur avant même d’ avoir acquis le déchiffrage s’il est capable de comprendre et d’intérioriser une histoire un peu complexe qui lui serait lue sans le soutien d’illustrations. Parvenir à imaginer dans sa tête le déroulé des événements demande une capacité d’abstraction que peu d’enfants possèdent avant 7ans. Cet âge de raison est finalement une étape-clé dans le processus d’acquisition de la lecture. C’est le moment idéal pour découvrir que la lecture ne sert pas simplement à décrire une action totalement dénuée d’intérêt « Léo lave le sac de mamie. »
Comprendre ce qu’on lit.
Ces phrases simples voire même simplistes que l’on fait déchiffrer aux enfants sont absolument nécessaires et indispensables pour débuter sereinement l’apprentissage du déchiffrage et elles plaisent d’ailleurs souvent aux enfants ; en tous cas, dans un premier temps mais il ne faudrait pas en rester là.
Lire, c’est comprendre les sous-entendus : « Le visage de Marie s’illumina. ». Marie n’a pas allumé son visage ! Cela vous semble évident, n’est-ce pas ? Mais mettez-vous maintenant à la place d’un lecteur débutant qui a déchiffré syllabe après syllabe cette phrase et qui met en lien dans son esprit le visage de Marie et les illuminations du sapin de Noël par exemple. Il va avoir besoin d’un guide, d’un enseignant ou d’un parent qui lui explique que Marie est heureuse et même extrêmement heureuse et que cette joie rejaillit sur son visage.
Lorsque l’enfant est capable de comprendre seul le sens profond de ces textes complexes que l’on appelle « textes littéraires », on peut alors considérer qu’il est devenu un « lecteur autonome ».
Simplicité vs. Complexité.
Ce qui fait défaut aujourd’hui à l’école élémentaire, c’est l’absence de « complexité » ou de « vraie littérature ». Pire encore, ce que l’on nomme la « littérature de jeunesse » perdure jusqu’à la fin du collège, mettant inexorablement en échec des lycéens condamnés subitement à « commenter » des textes littéraires qu’ils sont alors bien incapables de comprendre.
Il ne faut pas avoir peur de nourrir l’imaginaire des enfants, de leur permettre de fréquenter un vocabulaire qui peut leur sembler au premier abord exotique, de leur montrer que la langue française peut être poétique ou alambiquée mais que toujours chacun des mots d’un texte ont été choisis avec soin par l’auteur pour exprimer une idée bien précise qu’il ne pouvait pas exprimer autrement.
Si la complexité est amenée par petites touches, progressivement, elle est absolument surmontable ; et il devrait être possible à chaque élève qui entre en sixième de faire librement le choix de lire n’importe quel ouvrage susceptible de l’intéresser. Il ne devrait pas y avoir de livre « trop difficile » pour lui.
Il faut donc bien s’adapter au niveau de l’enfant mais en aucun cas il ne faut rester à son niveau ; pour progresser, il doit surmonter la difficulté. Il doit alors le plus souvent être accompagné.
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