Il est inutile de tout diaboliser d’emblée dans le numérique ; il fait désormais partie de notre quotidien alors il faudrait plutôt en faire bon usage que de ne pas l’utiliser du tout.
La gestion des écrans au quotidien
J’entends régulièrement des plaintes de la part des parents concernant l’addiction de leurs enfants aux écrans. N’oubliez jamais, si c’est votre cas, que vous êtes encore décisionnaires en matière d’éducation et que c’est à vous de décider ce que vous désirez pour votre enfant.
« Tous ses copains en ont »
« S’il ne joue pas à tel jeu, il n’aura plus d’amis, tous ses copains y jouent »
« S’il arrive quelque chose sur le chemin, au moins il pourra m’appeler »
« Il faut bien qu’il apprenne à s’en servir dans le monde d’aujourd’hui »
« Je travaille toute la journée, il faut bien qu’il s’occupe quand je ne suis pas là » (culpabilité du parent qui compense ses absences par des jeux vidéos)
Les excuses pour offrir à votre enfant le dernier smartphone peuvent tout à fait s’entendre et apparaîtront sûrement comme tout à fait légitimes aux yeux de vos contemporains. Cependant, si vous êtes ensuite mal à l’aise avec l’usage que votre enfant en fait, il va falloir réfléchir à ce que vous pourriez mettre en œuvre pour que les écrans ne vous envahissent pas et ne prennent pas la place d’autres activités autrement plus épanouissantes.
Un accès au savoir illimité
Depuis leur plus jeune âge, mes enfants répètent fièrement qu’ « on trouve tout sur internet ! » C’est presque vrai, internet regorge d’une foule d’informations où, vous le savez, le pire côtoie le meilleur.
S’il n’y avait pas ce pire, on serait presque tenté de laisser libre cours à l’enfant pour que, de lien en lien, de site en site, il accède à toutes sortes de connaissances… ce serait magique… mais évidemment la réalité est bien moins idyllique.
Selon son âge et ses compétences, l’enfant, aussi bien intentionné soit-il, va vite se retrouver, dans le meilleur des cas, à regarder des vidéos de petits chats ou à jouer à des jeux en ligne. La première évidence est bien sûr de superviser l’usage du numérique pour éviter des débordements autrement plus préjudiciables que les petits chats tout mignons ou les jeux débilitants !
Ne pas confondre maîtrise du savoir et accès au savoir
Ce n’est donc pas parce que le savoir est disponible à portée de clic que l’enfant va naturellement y accéder. De plus, le contenu auquel il va accéder n’a que peu de valeur s’il n’est pas intégré dans un processus d’apprentissage plus large et surtout plus ancré dans la réalité.
Si vous demandez aujourd’hui à un élève de collège (et même de lycée d’ailleurs) de vous préparer un exposé sur l’empire romain ou sur la chevalerie, il vous présentera un magnifique powerpoint à base de copier-coller avec de superbes illustrations et toutes sortes d’informations non triées de la plus basique à la plus érudite.
Mais finalement, qu’aura-t-il retenu de cet exposé ? Certains enseignants vous rétorqueront qu’il aura eu l’occasion alors de valider les compétences « accès à l’information » ou « maîtrise des outils numériques » ; pourquoi pas me direz-vous ; mais était-ce bien là le but de l’exercice ?
La recherche d’informations sur internet doit être utile ; on ne cherche pas de l’information juste pour chercher de l’information, encore faut-il savoir quoi en faire ensuite.
Depuis quelques années, lorsque je demande un exposé à mes élèves, je ne réclame plus aucun écrit (ils en font presque toujours un malgré tout). Un exposé réussi doit être le compte-rendu d’une appropriation personnelle des informations trouvées. Si l’enfant est capable d’expliquer oralement son sujet (sans lire évidemment), c’est qu’il l’a compris. Il a pu, pour arriver à ce résultat, consulter des sites spécialisés, regarder des vidéos de vulgarisation sur youtube et parfois même (exceptionnellement) consulter une encyclopédie faite de feuilles de papier ! Ce ne sont pas les super-méga-moyens numériques qui rendront un exposé pertinent ou intéressant mais plutôt la capacité de l’enfant à s’imprégner de son sujet et à le restituer de manière vivante et intéressante.
Un exposé dans ces conditions est toujours profitable et si l’enfant a compris ce qu’on attend réellement de lui, il peut tout à fait présenter un travail écrit absolument personnel et pertinent.
Les algorithmes de l’instruction
De nouvelles méthodes d’apprentissage ont vu le jour avec l’évolution de la technologie et l’intelligence artificielle est sur le point de supplanter le professeur de chair et d’os. Ces logiciels révolutionnaires sont tout à fait intéressants si l’on considère qu’ils sont capables de s’adapter à la capacité d’apprentissage de leur utilisateur mais il ne remplaceront pour autant jamais la relation entre un élève et son enseignant.
Les enfants apprécient les écrans (souvent plus que de mesure) et peuvent passer des heures à cocher des cases, à cliquer sur la souris et à acquérir toutes sortes de récompenses virtuelles qui leur font miroiter leurs compétences extraordinaires. Mais même si les machines sont de plus en plus redoutables, elles ne peuvent appréhender la complexité du cerveau humain. Là où l’ordinateur se contentera de reposer la même question jusqu’à ce que l’élève donne la réponse attendue, le professeur réexpliquera et trouvera d’autres moyens de parvenir à ses fins en s’adaptant réellement à l’individu qu’il a en face de lui.
Le numérique n’est pas une sinécure
Les enfants qui possèdent une base solide de connaissances s’adapteront sans problème ensuite aux outils numériques ; en revanche, les enfants biberonnés au tout numérique auront beaucoup plus de difficultés à appréhender la vie réelle et à fournir le moindre effort, habitués qu’ils sont à recevoir un contenu déjà prémâché.
Dans l’absolu, le numérique n’a visiblement pas sa place dans l’instruction élémentaire, il peut en revanche faire l’objet d’un apprentissage à part entière, d’une matière qu’il serait aujourd’hui indispensable d’enseigner mais en aucun cas d’un moyen de maîtriser le français , les mathématiques ou les sciences.